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Diagnostic et Étiquettes

Le diagnostic médical est un élément crucial de la médecine dite rationnelle. Il est le pilier de la décision médicale, réservé au médecin et sous sa responsabilité. Son concept remonte aux origines même de la médecine et de sa démarche: identifier une maladie. Une fois celle-ci identifiée, toute la prise en charge qui en découle est centrée sur ce diagnostic.

C’est pour cela que tant d’importance est donné à celui-ci. Une erreur de diagnostic peut même être fatale, c’est dire son importance ! Étant donné que tout repose sur le diagnostic, la plupart des objectifs de recherche médicale est de trouver des moyens de plus en plus rapides, fiables, efficaces, … *insérez ici n’importe quel superlatif positif*. Et on observe bien sûr une augmentation des techniques disponibles (imagerie, biologie, …) ainsi que du traitement de ces données (statistiques, algorithmes, échanges de données au niveau mondial, …) et même une amélioration telle qu’il y a de plus en plus de diagnostics précoces, c’est à dire avant même qu’une maladie ne se déclare au grand jour ! Au fil du temps, on voit donc apparaître de plus en plus de diagnostics, c’est à dire de maladies: la précision des analyses permet de faire des catégories et des classifications de plus en plus détaillées. Sans compter les nouvelles découvertes.

Mais en revenant au diagnostic, qu’est-ce qui le rend important ?

  1. Le diagnostic a besoin d’être certain, étant donné que la suite des événements se base sur lui. Cet impératif à lui tout seul est déjà un grand problème: résultats peu significatifs, pas de résultats du tout, faux-positif, faux-négatif, pathologie rare, …Seuls les diagnostics évidents arrivent à passer cette étape, et même là, il faut se méfier; un train peut en cacher un autre.
  2. Un diagnostic est utile uniquement s’il permet de savoir quoi faire. Par exemple: fracture = immobilisation et repos. Mais que faire avec tous les diagnostics qui n’ont aucun traitement précis ? Et c’est là que se présente un véritable souci …

En effet, lorsqu’un thérapeute pose un diagnostic sans traitement, c’est finalement une chose terrible ! Pour le thérapeute, c’est un échec, il ne peut faire autre chose que proposer un traitement par défaut (souvent le triptyque anti-douleurs, anti-inflammatoires, anti-dépresseurs) ou des traitements expérimentaux encore douteux. Pour le patient, c’est la fin de la quête ! Au lieu de rester actif dans la recherche d’une solution, le diagnostic vient couper court: nous y sommes et il n’y a pas de solution. Beaucoup vont se cristalliser autour de ce diagnostic et rares sont les patients à dépasser ce stade et à continuer de chercher. Dans un sens, c’est aussi le plus simple – le diagnostic devient une justification, une excuse à la situation.

Si l’on prend une image plus large, il en est de même pour les étiquettes que nous nous fixons les uns aux autres: paresseux, stupide, incompris, mauvais en musique, victime, … Ces étiquettes, ces diagnostics, sont au final des barrières que nous placent les autres et que nous acceptons implicitement de placer sur nous-mêmes ! Pour beaucoup, ces étiquettes sont ce qui nous limite le plus, bien plus que nos capacités. À quoi bon essayer d’aller au delà de ce qui nous définit (et donc nos limites) ?

Finalement, le diagnostic n’a pas tant d’utilité. Car si une solution existe, elle peut être appliquée et le diagnostic n’est pas nécessaire; seule la résolution du problème est importante au fond. Mais s’il n’y a pas de solution, alors le diagnostic n’aide en rien et devient un obstacle. Pour paraphraser Ivan Illitch: Il ne faut point succomber au diagnostic; il faut se délivrer des maux !