Expérience 42

Peut-être avez-vous déjà entendu parler du sujet d’aujourd’hui: l’école 42. Cette école d’informatique hors du commun a de nombreuses particularités qui la rendent déconcertante au premier abord. Citons par exemple:

• pas de professeurs, seulement un encadrement qui fait fonctionner l’école
• pas de cours, Internet sert de source d’information principale
• notation inter-élèves comme principale source d’évaluation
• des projets à réaliser
• pas de diplôme à la clé
• école gratuite
• école ouverte 24h/24, 7j/7 et 365j/365.

Outre le fait qu’elle bénéficie d’une certaine médiatisation grâce à son mécène Xavier Niel (directeur de Free), c’est surtout son fonctionnement hors du commun qui retient l’attention. Étant dans cette école depuis novembre 2013, je vous propose un aperçu de mes premières impressions.

42 surprend par la liberté et l’autonomie offerte aux étudiants: pas d’horaires (hors quelques moments clés), école ouverte en permanence, pas de vacances, … Cela permet une grande liberté d’organisation (certains en profitent pour tenter le sommeil polyphasique par exemple) et c’est aussi une vraie prise de responsabilité: personne n’est là pour vérifier les présences ou l’apprentissage. Il est possible de prendre des vacances, mais il faut pouvoir en assumer les conséquences, surtout si c’est un projet de groupe.

Cette grande liberté permet aussi de tester sa propre motivation. S’il est vrai que pour ceux qui ont été en échec scolaire et qui n’ont pas le baccalauréat, 42 reste leur dernière chance, pour tous les autres, rien ne retient les élèves à l’école: ni un diplôme, ni des frais de scolarité. Il ne reste donc que la motivation et l’envie de réussir.

Le contexte permet aussi de développer le plein potentiel autodidacte de chacun. Il n’est plus question ici d’une unique source de connaissance (le professeur) diffusant celle-ci vers des élèves. Au contraire, chaque parcelle d’information doit être recherchée par l’étudiant puis testée et éprouvée par lui-même dans les projets divers et variés. S’il est vrai que l’informatique se prête bien à ce système où il faut redécouvrir les bases pour bien apprendre, la plupart des autres disciplines académiques gagneraient à adopter un système similaire. Rien de tel pour se souvenir d’une information, surtout lorsqu’elle a été complexe à trouver ou qu’il y avait des sources contradictoires !

L’école 42 mise aussi énormément sur le système de notation peer-to-peer, c’est à dire en inter-élèves. Ce système de notation est très intéressant car il fait prendre conscience à l’étudiant des deux aspects de l’évaluation: savoir présenter un travail ainsi que savoir le tester et l’éprouver. Ce jeu du corrigé – correcteur permet une mise à plat de la hiérarchie et supprime les barrières d’autorité et favorise la circulation des informations et une grande entre-aide.

Par contre, la grille de notation est très sévère et exige un niveau de perfection assez poussé. Cela provoque toujours pas mal de discussions entre les étudiants, car le zéro est extrêmement simple à avoir, même après plusieurs semaines de travail acharné sur un même projet. Cette notation très dure promet cependant deux objectifs: une recherche d’excellence dans le travail ainsi qu’un endurcissement face à l’échec et savoir garder le moral en eaux troubles.

En conclusion, au delà des résultats rapides rencontrés par les étudiants grâce au contexte de travail intense mais intéressant, l’école 42 met l’accent sur l’acquisition de méta-compétences: acquisition rapide de connaissances, savoir rechercher et organiser l’information, organisation seul ou en groupe, savoir garder la motivation, compétences sociales, … Au final, 42 est un booster d’apprentissage grâce au contexte mis en place; le reste se fait « auto-magiquement ».

Après tout ceci, vous pourriez vous dire que je suis totalement convaincu par cette école, et c’est vrai dans un sens, je trouve que son système a d’énormes qualités. Mais n’oublions pas les quelques zones d’ombres qu’elle possède:

• C’est une école sur concours, elle ne prend que les plus aptes et les plus motivés à suivre son cursus; elle ne s’en cache pas – son but n’est pas de sauver tout le monde, mais seulement ceux qui se plaisent dans son univers impitoyable informatique. Ce qui est sûr, c’est que si la motivation pour apprendre est là et que vous avez un minimum de prédisposition pour cette voie, alors 42 est fait pour vous.
• Les informations entre l’administration et les étudiants ont encore du mal à diffuser, ce qui cause divers problèmes de communication – qui sont en train de s’améliorer.
• Le contexte de travail intense est parfois stressant mentalement et la proximité d’autant d’étudiants est un facteur social particulier à gérer (animosités entre divers groupes sociaux, difficultés de vie en société à forte densité)
• N’oublions pas aussi, qu’en tant que première promotion vague dans cette école, nous avons un rôle de crash-test. C’est à dire que nous avons aussi droit à divers pépins dus à la jeunesse de l’école, qui seront et sont corrigés au fur et à mesure.

Je n’ai pas spécialement évoqué l’expérience particulière de la piscine (le nom du concours de l’école 42), mais elle ne diffère finalement pas tant que ça de l’école en soit, sauf peut-être par un rythme encore plus soutenu pendant un mois.

Si vous avez des questions au sujet de 42 n’hésitez pas à poster un commentaire, ils sont là pour ça. Sinon, à une prochaine fois !