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L’anormalité est sûrement la cause

Suite à l’article précédent traitant de l’illusion de la médecine causale, j’aimerais aborder aujourd’hui une autre facette de cette approche causale du corps humain.

Étant donné que la recherche d’une cause est compliquée, voire impossible, la médecine a pris une autre approche pour identifier la cause: la variation par rapport à la normale, c’est à dire par rapport à la moyenne sur une population donnée ou tout autre critère définissant la normalité.

Prenons un exemple simple: votre tension artérielle est plus basse que la moyenne. D’après un document regroupant des données statistiques, si votre tension est trop basse par rapport à ce qui a été défini, même si vous n’en ressentez aucun effet néfaste et que cela est découvert par hasard, vous serez considéré comme anormal et on vous proposera un traitement. Même si cela était un état parfaitement sain pour votre corps, là n’est pas la question car la médecine se base sur des statistiques – même si elle tente depuis quelques années à devenir plus personnalisée (analyse génétique, …).

Cet exemple ne vous semble peut être pas vraiment problématique. Prenons alors un autre exemple, plus parlant et très commun: la hernie discale. Si l’on faisait passer des imageries de la colonne vertébrale à tout le monde, environ 50% des personnes auraient une hernie discale. On ne peut donc pas se baser sur une moyenne pour décider de la normalité. On considère donc que la normalité est « comme dans les livres d’anatomie », c’est à dire sans aucune anomalie décelable.

Maintenant, supposons que vous ayez mal au dos (les raisons pouvant être nombreuses). Et que vous passiez des examens d’imagerie du dos pour tenter de trouver la cause de votre douleur. Si votre douleur se situe à proximité d’une anomalie : hernie discale, déformation d’un os, simple protrusion, becs de perroquet, … alors un raccourci sera fait: votre douleur est dans cette zone, on y voit une anomalie, donc cette anomalie est la cause de votre douleur.

Voyez-vous le problème de cette approche ? En effet, il se peut que vous ayez une anomalie présente depuis très longtemps et qui n’a rien à voir avec la douleur. Mais de par sa présence, elle est identifiée comme cause de la douleur. Si j’ai choisi la hernie discale comme exemple, c’est car cela est pour moi l’exemple le plus parlant d’erreur de diagnostic. Voyez-vous, un observateur attentif peut remarquer ceci:

  • des personnes ayant une toute petite hernie et qui présentent des douleurs atroces;
  • des personnes ayant une énorme hernie discale et qui présentent de légères douleurs;
  • des personnes n’ayant aucune anomalie discale et qui présentent des douleurs de même type que celles qu’on attribue généralement à une hernie discale;
  • des personnes ayant des énormes hernies discales et n’ayant aucune douleur malgré des activités physiques intensives.

On remarque donc que la douleur est totalement indépendamment de la présence d’une hernie discale, d’arthrose, ou d’autres anomalie visible à l’imagerie (hors traumatismes et cas très très très avancés). Pourquoi alors attribuer la douleur à l’anomalie ?

Principalement car il n’y a aucune autre cause facilement identifiable. Pour ne pas être démunis, une cause est identifiée, même si elle correspond à un non-sens logique. Mais cela donne l’illusion au soignant et au malade de savoir pourquoi.